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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/10

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

le duc, que je n’hésite pas à dire ce que je dis… Je pense qu’il est permis au fils de Philippe-Égalité d’exprimer son opinion sur les régicides. Au reste, mon père a été fort calomnié ; c’est un des hommes les plus respectables que j’aie jamais connus !

— Monseigneur., reprit Boinvilliers comprenant que, s’il n’interrompait pas la conversation, elle allait s’égarer sur le terrain des personnalités, il nous reste encore une crainte…

— Laquelle, messieurs ? demanda le prince. Oh ! dites, tandis que vous y êtes.

— Eh bien, nous craignons, — et nous avons nos raisons pour cela, — nous craignons, dis-je, de voir les royalistes et les prêtres encombrer les avenues du nouveau trône.

— Oh ! quant à ceux-là, s’écria le prince avec un geste presque menaçant, soyez tranquilles, ils ont porté de trop rudes coups à notre maison pour que je les oublie ! Une partie des calomnies dont je parlais tout à l’heure vient d’eux ; une barrière éternelle nous sépare… C’était bon pour la branche aînée, cela !

Les républicains, étonnés de l’expression presque haineuse avec laquelle le prince venait de prononcer ces mots : « C’était bon pour la branche aînée ! » se regardèrent les uns les autres.

— Eh bien, messieurs, dit alors le duc, est-ce que, par hasard, j’avance Une vérité qui vous soit inconnue en proclamant tout haut cette différence de principes et d’intérêts qui a toujours séparé là branche cadette de la branche aînée, la maison d’Orléans de la maison régnante ?… Oh ! notre haine ne date pas d’hier, messieurs ; elle remonte à Philippe, frère de Louis XIV ! C’est comme mon aïeul le régent, qui donc l’a calomnié ? Les prêtres, les royalistes ; car, un jour, messieurs, quand vous aurez mieux approfondi les questions historiques, fouillé jusqu’aux racines l’arbre que vous voulez abattre, vous saurez ce que c’était que le régent, les services qu’il a rendus à la France en décentralisant Versailles, et en faisant passer, par son système de finances, l’argent et l’or du pays jusque dans les dernières artères de la société. Ah !