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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/11

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

je ne demande qu’une chose, c’est, si Dieu m’appelle à régner sur la France, comme vous le disiez tout à l’heure, c’est qu’il me soit accordé une portion de son génie !

Alors, il s’étendit longuement sur les améliorations que la politique du régent avait amenées dans la situation diplomatique de l’Europe ; et, à propos de l’Angleterre, il dit quelques mots indiquant qu’il chercherait près d’elle le même point d’appui que son aïeul.

— Pardon, monsieur, dit Cavaignac, mais je crois que le véritable point d’appui d’un roi des Français doit être dans la France.

Le duc d’Orléans n’éluda pas l’explication, et, avec sa facilité d’élocution habituelle, il développa alors, il faut lui rendre cette justice, le système qui acquit, depuis, tant de célébrité sous le nom de système du juste milieu.

Cavaignac, auquel il s’adressait plus particulièrement, comme ayant soulevé la question, écouta avec la plus grande impassibilité le long développement politique auquel se livra le prince.

Puis, lorsque celui-ci eut terminé :

— Eh bien, dit-il, nous pouvons être tranquilles ; avec ce système-là, vous n’en avez pas pour quatre ans !

Le duc sourit d’un air de doute.

Quant aux républicains, comme ils savaient tout ce qu’ils voulaient savoir, ils s’inclinèrent en signe qu’ils voulaient se retirer.

Ce que voyant le prince, il les salua à son tour.

Mais, pour ne pas leur laisser le dernier :

— Allons ; messieurs, dit-il, vous me reviendrez… Vous verrez, vous verrez !

— Jamais ! articula nettement Cavaignac.

— Jamais est un mot trop absolu, et nous avons un vieux proverbe français qui prétend qu’il ne faut pas dire : « Fontaine… »

Mais, avant qu’il eût achevé sa phrase, ces messieurs avaient déjà gagné la porte.

Le duc les regarda s’éloigner d’un air sombre.