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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/112

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

toujours quelque chose à quelqu’un, celle qui venait de m’être révélée coûta la vie à trois ou quatre goëlands.

À mon retour à l’hôtel, je ne vis point nos deux époux ; ils s’étaient renfermés chez eux.

Passé huit heures du soir, à la fin de septembre, il n’y a pas grande distraction à Paimbœuf ; j’imitai donc l’exemple que me donnait le jeune couple, et je me retirai dans ma chambre en recommandant que l’on m’éveillât de manière à ce que je pusse profiter du premier canot qui irait à bord de la Pauline.

Ce fut le capitaine lui-même qui frappa à ma porte ; je crois que le brave homme avait, pendant la nuit, sous la douce et trompeuse rosée du sommeil, laissé germer dans son esprit l’espérance de m’emmener ; il me vanta le charme d’une longue traversée à bord d’un bon bâtiment, me parla de son cuisinier, qu’il mit fort au-dessus de celui de Jacomety, et de sa table, qui n’avait de rivale que celle du Rocher de Cancale, à Paris.

Le capitaine avait dîné une fois au Rocher de Cancale, et ne manquait jamais de placer un mot sur l’excellence de la cuisine de Borel.

On était encore dans les beaux jours de la fin de l’été, et, comme je croyais faire une simple visite à la Pauline, je n’étais vêtu que d’un pantalon de nankin, d’un gilet de piqué blanc et d’une veste de velours.

Pour ceux qui ont appris à leurs dépens ce que c’est que d’avoir froid, ce détail, comme on le verra bientôt, n’est pas sans quelque importance.

C’était la première fois que je voyais de près un bâtiment sur le point de prendre la mer. Au Havre, j’avais bien visité un ou deux paquebots en partance pour Boston ou la Nouvelle-Orléans ; mais, grâce à leur élégance, ces navires, destinés au transport des voyageurs, ressemblent à des hôtelleries, à des appartements garnis, à des corridors de théâtre, bien plus qu’à des navires.

La Pauline, au contraire, était le trois-mâts pur sang.

J’en examinai tous les détails avec une curiosité qui me