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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/126

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Louis-Philippe y avait mis à découvert son système de juste milieu, système qui avait tellement révolté l’âme de nos jeunes gens, que Cavaignac s’était écrié « Oh ! s’il en est ainsi, monsieur, nous pouvons être tranquilles ; vous n’en avez pas pour quatre ans ! »

Cavaignac ne se trompait pas sur le résultat : il se trompait sur la date ; c’était une erreur de chronologie, voilà tout.

Au reste, une lettre rendue publique par celui-là même à qui elle avait été adressée, prince dont l’orgueil aristocratique et héréditaire se complaisait à l’abaissement d’un roi issu d’une révolution, avait donné, plus clairement encore que les paroles volantes d’une conversation, le programme du nouveau règne.

Cette lettre, on s’en passait des copies envoyées de Pétersbourg même : cette lettre était celle que le roi de France avait écrite à monsieur son frère l’empereur de toutes les Russies.

M. Athalin l’avait portée en courrier extraordinaire ; mais elle devait être remise à part de la lettre officielle qui annonçait l’avénement au trône du lieutenant général ; c’était la lettre faite pour n’être lue que de l’empereur de Russie, et la seule naturellement qui fut lue de tout le monde.

Elle semblait inexplicable aux hommes qui, depuis quinze ans, suivaient la politique du duc d’Orléans à l’endroit de la branche aînée, à ceux qui connaissaient sa conduite vis-à-vis de Charles X et du jeune duc de Bordeaux pendant les journées qui précédèrent sa nomination à la lieutenance générale, et celles qui la suivirent ; à ceux, enfin, qui savaient le rôle que le Palais-Royal avait joué dans toute cette grande mise en scène de l’expédition de Rambouillet, expédition qui avait déterminé, non pas la fuite, — Charles X conserva jusqu’à Cherbourg la dignité suprême saine et sauve, — mais le départ de la famille royale.

Les meilleurs amis du roi Louis-Philippe niaient que la lettre fût de lui ; selon eux, cette lettre était apocryphe.

Comme je dois expliquer à beaucoup de personnes qui s’en sont étonnées, et à quelques-unes qui s’en étonnent encore, les causes de l’opposition que, dans la sphère étroite du citoyen