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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/127

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

d’abord, et dans celle de l’homme de lettres ensuite, j’ai faite contre le gouvernement du roi Louis-Philippe, on permettra que je continue d’énumérer les motifs de cette répugnance politique, qui m’amena à donner ma démission au roi dans le moment où mon intérêt — si mon intérêt avait pu un seul instant l’emporter sur ma conscience — devait m’exciter, au contraire, à me rapprocher de cette fortune princière qui devenait une fortune royale.

J’ai dit les impressions produites en moi par cette lettre du duc d’Orléans au roi Charles X emportée par M. de Mortemart ; j’ai dit comment ces poignées de main données, cette Marseillaise chantée, ce front essuyé, m’avaient poussé hors du Palais-Royal à l’heure même où le jeune duc de Chartres y faisait sa rentrée ; j’ai dit l’espèce de honte qui m’avait cloué immobile devant cette affiche où le duc d’Orléans se prétendait Valois, au mépris des plus simples connaissances historiques, et, reniant saint Louis comme aïeul, se donnait pour chef de race François Ier, c’est-à-dire de tous nos rois le plus débauché, le plus impolitique, le plus infidèle à sa parole.

Au reste, ils savaient bien ce qu’il y avait d’honorable et de désintéressé dans mon opposition, ces trois fils du roi, le duc d’Orléans, le duc d’Aumale et le duc de Montpensier, que je n’eus jamais l’orgueil d’appeler mes amis, mais qui me firent plus d’une fois l’honneur de se dire les miens. On verra, lorsque j’aurai à parler d’eux, — et l’occasion s’en présentera souvent dans le cours de ces Mémoires, — si je suis fidèle à la mauvaise fortune, et s’ils sont pieux les souvenirs de mon cœur et de ma plume qui suivent les exilés dans leur retraite.

Eh bien, cette lettre du roi à l’empereur Nicolas — la chose est peut-être ridicule à dire — me fut une douleur, comme la réponse du czar me fut une honte.

Il me semble, à moi, que, pour qu’un pays soit véritablement grand, généreux et fort, il faut que chaque citoyen de ce pays soit en quelque sorte une fibre de l’organisation générale, et reçoive individuellement la secousse imprimée à sa nationalité, à sa gloire, à son honneur.

Voici cette lettre. Quelque longue qu’elle soit, nous la ferons