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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/131

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

tion accompli, tout ce qu’il y avait de cœurs généreux en France se tourna du côté de la Belgique, de l’Italie et de la Pologne.

La Belgique, à cette époque, faisait encore, on se le rappelle, partie de la Hollande, comme adjonction de territoire.

L’Italie, de même qu’aujourd’hui encore, râlait sous le genou de l’Autriche.

La Pologne, écartelée par la Prusse, la Russie et l’Autriche, n’avait pas même la consolation de réunir dans un même linceul ses membres dispersés.

Or, les cœurs généreux demandaient un remaniement de l’Europe ; ils voulaient donner à ces troupeaux qu’on appelle les peuples des pasteurs choisis par eux-mêmes ; ils refusaient de reconnaître ces bouchers auxquels, sur la table verte du congrès de Vienne, des diplomates sans cœur avaient partagé presque au hasard cent millions de corps et d’âmes.

Mais c’était cela justement que ne voulait pas Louis-Philippe. Louis-Philippe représentait la bourgeoisie, qui se compose de notaires, d’hommes d’affaires, de banquiers, d’agioteurs de bourse, de tripoteurs d’argent ; et la bourgeoisie a son dieu à part, son dieu à elle, qui n’a rien de commun avec le dieu des grands esprits et des grands cœurs.

La situation était si élevée, que les yeux clignotants de cette bourgeoisie se baissaient éblouis avant de pouvoir monter jusqu’à elle.

En effet, après la révolution de 1830, la France pouvait jeter aux rois le défi d’une ambition sans limites ; car elle pouvait non-seulement agir avec ses propres forces, mais encore, en se faisant l’alliée des peuples, augmenter sa puissance, et neutraliser celle des rois. Que fallait-il pour cela ?

Il suffit que l’on jette les yeux sur l’état général des monarchies européennes, sur la Russie, avec son vautour du Caucase et sa gangrène de Constantinople ; sur l’Autriche, avec son double cancer de l’Italie et de la Hongrie ; sur la Hollande, avec sa Belgique hostile ; sur l’Angleterre, avec son Écosse insoumise et son Irlande mourant de faim, pour comprendre qu’en parlant un peu haut, non-seulement nous se-