Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Quant à nous, nous aimons mieux le personnage vivant que la momie, et la momie que le squelette. En conséquence, nous tâcherons toujours de faire de l’histoire vivante, et ce ne sera que bien malgré nous que nous ferons de la momie ou du squelette.

M. de Peyronnet avait été arrêté le premier, à Tours.

Le lundi 6 août, à deux heures de l’après-midi, une chaise de poste qui traversait cette ville, ayant éveillé des soupçons, fut entourée par la garde nationale. Un seul homme se trouvait dans cette chaise de poste, et affectait de parler allemand. Il se donna d’abord pour un courrier de la maison Rothschild, et refusa de répondre aux autres questions, sous prétexte qu’il ne comprenait pas ; mais les postillons, interrogés à leur tour, déclarèrent qu’un second voyageur était descendu de la voiture, à un kilomètre des premières maisons, avec intention probablement de tourner la ville.

Deux gardes nationaux se détachèrent à l’instant et se dirigèrent vers la route de Bordeaux ; bientôt ils aperçurent un homme marchant à grands pas sur la levée de Grammont. Un garde champêtre qui venait à la rencontre de cet homme comprit, aux signes des gardes nationaux, qu’il fallait l’arrêter. Sommé de dire qui il était, l’étranger exhiba un passeport au nom de Gambon ; malgré ce passe-port, on le fouilla, et la lettre P, brodée sur son mouchoir et gravée sur sa tabatière, acheva d’éveiller des doutes au sujet de son identité.

En ce moment, deux autres personnes survinrent, et l’une d’elles, ayant regardé l’étranger attentivement, déclara qu’elle le reconnaissait pour M. de Peyronnet.

L’ex-ministre jouait de malheur : celui des nouveaux arrivants qui le reconnaissait était un ancien magistrat qu’il avait destitué.

L’autre, sans le connaître personnellement, avait eu affaire à lui à propos d’un jeune homme de Tours, nommé Sirjean, condamné pour délit politique ; il avait demandé à M. de Peyronnet la grâce de ce jeune homme, ou tout au moins un adoucissement à sa peine, et il n’en avait tiré qu’un refus brutal.