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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/142

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Tous deux haïssaient donc particulièrement M. de Peyronnet, et, l’ayant pris par le collet de son habit, ils le ramenèrent ainsi dans la ville.

Conduit à la prison de Tours, sans que les injures et les mauvais traitements qu’il avait subis eussent en rien altéré le calme de sa physionomie, M. de Peyronnet y avait été écroué.

Le même jour, une autre arrestation eut lieu à Tours : c’était celle de MM. de Chantelauze et de Guernon-Ranville. La veille déjà, ils s’étaient présentés au haut de la tranchée Barthélemy ; mais, apprenant que l’on fouillait les voitures et que l’on visitait les voyageurs, ils se retirèrent. Le lendemain matin, les paysans, rencontrant dans la campagne deux hommes qui semblaient égarés, les arrêtèrent, les conduisirent à un petit Village nommé la Membrole, et les remirent à la gendarmerie, qui les amena tous deux garrottés à Tours.

Quant au prince de Polignac, on fut quelque temps à le chercher vainement, et l’on croyait déjà qu’il avait passé la frontière, lorsque, le 18 août, l’on apprit par dépêche télégraphique qu’il venait d’être arrêté à Granville.

Voici de quelle façon l’arrestation s’était opérée :

Il voyageait avec la marquise de Saint-Fargeau, passait pour son domestique, et était revêtu d’une livrée. Arrivé aux environs de Granville, il s’était réfugié chez un gentilhomme nommé M. Bourblanc d’Apreville ; puis, par l’entremise d’un M. Semolé, il avait gagné Granville ; et s’était logé dans une auberge du port.

Malgré son déguisement, peut-être même à cause de son déguisement, on eut des soupçons ; ces soupçons augmentèrent encore lorsque l’on sut qu’il devait s’embarquer dans la nuit. Au moment où il s’attendait le moins à être reconnu, deux gardes nationaux entrèrent tout à coup dans sa chambre.

Le prince se détourna en les apercevant, et cacha sa tête entre ses mains.

— Avez-vous des papiers ? demandèrent les gardes nationaux.

— De quel droit m’adressez-vous cette question ? répondit le prince.