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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/148

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Du pavillon de la Reine au donjon, il y avait plusieurs cours à traverser ; ces cours étaient encombrées de gardes nationaux mêlés aux soldats de la garnison. M. de Polignac parut, et s’avança tête nue entre deux grenadiers : il y avait dans ses vêtements un certain désordre qui ne lui était pas habituel ; arrivé à l’escalier, la force, sinon le cœur, lui faillit : il chancela, et se retint en appuyant sa main sur le bout du fusil d’un grenadier.

La démarche de M. de Peyronnet était tout opposée : très-brave, il avait le tort de pousser parfois cette bravoure jusqu’à l’insolence ; aussi avait-il son chapeau sur la tête, et s’avançait-il regardant dédaigneusement à droite et à gauche. Un misérable le coucha en joue en lui criant :

— À genoux, le ministre qui a fait tirer sur le peuple !

M. de Peyronnet haussa les épaules, resta les bras croisés, et ne hâta ni ne ralentit le pas.

M. de Chantelauze était malade, pâle, atterré, et paraissait plier sous le poids de sa situation.

M. de Guernon-Ranville montrait un courage nerveux et de mauvaise humeur.

Les trois commissaires nommés pour interroger les ex-ministres étaient MM. de Bérenger, Madier de Montjau et Mauguin.

Dès le 17 août, c’est-à-dire du moment où l’on avait connu l’arrestation des ministres, l’abolition de la peine de mort avait été proposée à la Chambre par M. Victor de Tracy, et appuyée par la Fayette.

Le 6 octobre suivant, M. de Bérenger, chargé du rapport, avait demandé l’ajournement de la proposition.

Mais, alors, la Fayette s’était levé une seconde fois, et, avec cette puissance des hommes qui, ayant beaucoup vu, beaucoup fait, beaucoup souffert, peuvent dire moi, il s’était écrié :

— On vous propose l’ajournement, messieurs ; sans doute, ceux qui vous le proposent n’ont pas eu le malheur de voir, comme je l’ai vu moi-même, traîner sur l’échafaud leur famille, leurs amis, les premiers citoyens de la France ; ils