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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/158

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Parfaitement.

— Eh bien, moi, je, te flanquerai à la porte !

— Vous ?

— Comme je me gênerais !

— Vous ?

— Veux-tu voir un peu ?

— Ma foi, oui !

— Ah ! tu veux voir ? Eh bien, attends !

M. Deviolaine se leva et s’avança furieux vers moi.

Je lui jetai les bras au cou, et l’embrassai sur les deux joues.

Il s’arrêta court, et quelque chose comme une larme vint briller au bord de sa paupière.

— Allez-vous-en, Féresse, dit-il.

Alors, me posant la main sur l’épaule :

— Ce qui me fait de la peine, reprit M. Deviolaine, c’est qu’avec ce caractère-là, vois-tu, tu crèveras sur la paille, comme ton père !… Allons, l’affaire de Hutin est arrangée… Va-t’en ; j’ai à travailler.

Mais, avant de quitter les bureaux, j’avais mis une lettre à la poste pour inviter Hutin à venir sans retard à Paris, et pour lui apprendre cette nouvelle, à laquelle il ne s’attendait pas.

Disons tout de suite que, trois mois après, Hutin fut nommé surnuméraire, et, au bout de dix-huit mois, porté sur les états. Être porté sur les états signifie, en termes de bureau, toucher des appointements.

Le lendemain, à huit heures sonnantes, j’étais chez le roi.

J’avais revêtu pour cette solennité mon costume de garde national à cheval.

Soit hasard, soit préméditation, le roi me reçut dans la même chambre où, duc d’Orléans, il m’avait reçu la veille de la première représentation d’Henri III.

Je ne le trouvai changé ni d’aspect ni de manières ; il avait ce sourire affectueux et cette apparence de bonhomie auxquels il était si difficile de résister, et avec lesquels il a usé Laffitte comme fortune, Casimir Périer comme santé, M Thiers comme réputation.

— Bonjour, monsieur Dumas, me dit-il.