Je m’inclinai.
— Vous arrivez de la Vendée, à ce qu’il paraît ?
— Oui, sire.
— Combien de temps y êtes-vous resté ?
— Six semaines, sire.
— On m’a dit que vous aviez fait sur le pays des études très-précises, et qui valaient la peine de m’être communiquées…
— Sans doute le général la Fayette ?
— Justement.
— Je croyais qu’il avait fait mieux, sire, et qu’il avait mis sous les yeux du roi mon rapport lui-même. »
— C’est vrai… Mais, dans ce rapport, je trouve, il me semble, une lacune.
Je m’inclinai en signe que j’attendais.
— Vous avez été envoyé par le général la Fayette, continua le roi, pour étudier la possibilité d’établir une garde nationale dans la Vendée, et à peine parlez-vous de cette possibilité ou de cette impossibilité.
— C’est vrai, sire, attendu que l’étude des localités m’a convaincu que l’établissement d’une garde nationale dans les départements de la Loire-Inférieure, de Maine-et-Loire, de la Vendée et des Deux-Sèvres, n’était qu’une mesure temporaire ruineuse pour la classe moyenne de la société, qui a ses affaires à suivre, et dont l’état est d’être notaire, marchand de drap, tisseur de toile, serrurier, menuisier, avocat, commerçant en gros ou en détail enfin, mais non de monter à cheval ou de faire l’exercice ; une mesure, en outre, dangereuse en ceci, que les citoyens qui porteront l’uniforme redeviendront des bleus, et ceux qui ne le porteront pas des chouans. Voilà pourquoi j’ai à peu près abandonné cette idée, et me suis appesanti sur celle qui consiste à ouvrir des chemins, à créer des communications, à agir, enfin, comme on dirait en médecine, par le moyen des dissolvants bien plutôt que par celui des révulsifs ; que les Vendéens échappent à l’influence des nobles, et leurs femmes à l’influence des prêtres, et il n’y a plus de Vendée possible.