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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/17

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

vaux, dit le postillon qui courait en avant, et qui avait, sur ce refus, été obligé de s’arrêter.

— Comment ! le maître de poste ne veut pas donner de chevaux ?

— Non ; il dit qu’il ne connaît pas le gouvernement provisoire.

Charras, qui avait si longtemps et si vainement cherché le susdit gouvernement, avait bien envie de dire qu’il ne le connaissait pas non plus ; mais ce n’était pas le moment de plaisanter : le temps manquait.

Il laissa dormir Lothon, qui, ne l’ayant pas entendu lorsqu’il lui criait : « Tu me tues ! » n’avait plus le droit de rien entendre, et, sautant à bas du cabriolet, il courut au maître de poste, qui, tout furieux lui-même d’être réveillé à deux heures du matin, se tenait sur le pas de sa porte avec l’intention évidente de faire de l’opposition.

— C’est donc vous qui ne voulez pas me donner de chevaux ? demanda Charras.

— Oui, c’est moi.

— Malgré l’ordre du directeur des postes ?

— Est-ce que je connais ça, Chardel !

— Ah ! vous ne connaissez pas Chardel ?

— Non.

Charras tira sa proclamation de sa poche.

— Et connaissez-vous cela ?

— La Fayette ?… Pas davantage !

— Non ?

— Non !

Charras tira ses pistolets de sa poche, et, les armant en même temps qu’il les appuyait sur la poitrine du maître de poste :

— Ah !… Eh bien, connaissez-vous cela ? lui dit-il.

— Mais, monsieur, s’écria le maître de poste, mais, monsieur, que faites-vous donc ?

— Ce que je fais ? Parbleu ! je vous tue, si vous ne me donnez pas de chevaux !