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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/178

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

rent les contrevents, et allèrent briser les glaces. « Mon fusil ? m’écriai-je, mon fusil ? — Ah ! me dit le maître du café, il est en haut, votre fusil… — Comment, il est en haut ? — Peste ! je n’ai pas envie que l’on vous voie sortir d’ici avec votre fusil, et qu’on casse et brise tout dans mon café… Quand il fera nuit, bien, je vous rendrai votre fusil, et vous sortirez… Morbleu ! d’après ce que m’a dit M. Charles Nodier, vous en avez assez fait pour aujourd’hui ! » Une seconde décharge se fit entendre, et trois ou quatre balles percèrent de nouveau les contrevents. « Allons, allons, dit le maître du café, il ne fait pas bon ici… Montons au premier ! » Et, me prenant par le bras, il m’entraîna vers l’escalier. « M. Charles Nodier ! répétais-je en le suivant à moitié abruti ; et, moi, je l’ai appelé mouchard ! » Je n’eus pas une autre idée dans la tête tant que je restai au café du pont au Change, et j’y restai jusqu’à neuf heures. À neuf heures, je rentrai chez moi, et pensai toute la nuit à mon aventure de la journée.

En ce moment, le régisseur entra dans le foyer.

— Eh ! monsieur Dumas, me dit-il, on vous cherche de tous les côtés… Bon ! Charlet, vous voici ; vous êtes à l’amende, mon ami !

— À l’amende ! et pourquoi ? dit Charlet.

— Mais parce qu’on a recommencé le tableau, et que vous n’étiez pas là.

— Bien ! je fais de belles affaires ! dit Charlet.

— Soyez tranquille, je vais arranger cela avec Jouslin de la Salle… Et avez-vous revu Nodier ?

— Ah bien, oui ! après l’avoir appelé mouchard ! Dans le moment où j’étais encore échauffé, j’aurais trouvé quelque chose à lui dire, mais de sang-froid, me représenter à lui ? Jamais !

Nous revînmes au théâtre, et, comme je lui avais promis, je fis lever l’amende qu’il avait, au reste, encourue par ma faute.

C’est ce même Charlet qu’Arago avait rencontré, le 29 juillet, au marché des Innocents, et qui commandait l’escorte du général Dubourg.

Nous nous sommes retrouvés depuis ; je dirai à quelle occasion, et je raconterai ce que Nodier a fait pour lui.