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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/184

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Eh bien, quoi ?

— Eh bien, à ta place, je porterais la pièce à Scribe.

— Non, répondis-je, mais je la porterai à Crosnier.

Et, m’approchant du souffleur :

— Garnier, lui dis-je, voulez-vous me donner le manuscrit, mon ami ?

Le souffleur me donna le manuscrit ; Firmin, tout ébouriffé, me regardait faire.

De son côté, mademoiselle Mars attendait que je fusse libre.

— Eh bien, mon petit, me dit-elle de ce ton sec qui lui était habituel quand elle préparait à un auteur quelque chose de désagréable, avez-vous fini de causer avec Firmin ? y en aura-t-il un peu pour les autres ?

— Oh ! mon Dieu, madame, dit Firmin, vous n’aviez qu’à parler : on n’a pas l’habitude de vous les prendre, vos auteurs !

— Ma foi ! pour les rôles que me fait celui-là, vous pouvez bien me le prendre !

— Bon ! dis-je, cela promet !

Puis, m’avançant vers mademoiselle Mars :

— Madame, lui dis-je, je suis à vos ordres.

— Ah ! c’est bien heureux !… Vous savez une chose ?

— Non, madame, je ne la sais pas ; mais, si vous voulez bien me la dire, je la saurai.

— C’est que je ne joue pas votre pièce samedi.

— Ah !… Et pourquoi, s’il vous plaît ?

— Parce que je fais faire pour quinze cents francs de robes, et que je désire qu’on les voie.

— Et pourquoi ne les verrait-on pas samedi aussi bien qu’un autre jour ?

— Parce qu’on nous avait promis un nouveau lustre pour samedi, et que l’éclaireur vient de nous remettre à trois mois. Quand il y aura un autre lustre, je jouerai votre pièce.

— Ah ! madame, lui dis-je, il n’y a qu’une chose qui mette obstacle à cette bonne volonté de votre part…

— Laquelle ?

— Dans trois mois, ma pièce sera jouée.

— Comment, elle sera jouée ?