— Ah ! tu es bien gentil, mon grand chien… Et puis j’oubliais : il n’est pas ici, il est à la campagne.
— J’ai à t’annoncer une nouvelle.
— Laquelle ?
— C’est que j’ai retiré Antony du Théâtre-Français.
— Ah ! que tu as bien fait ! C’est comme Hugo, tu sais, leur a repris Marion Delorme et nous l’a apportée ; c’est moi qui joue Marion.
— Eh bien, que dis-tu de la pièce ?
— Tiens, je trouve cela très-beau, moi… Je ne sais pas comment je m’en tirerai, par exemple ! Dis donc, des vers ! me vois-tu devenue tragédienne ?
— Mais il me semble que ce ne sera pas ton coup d’essai.
— Ah ! oui, dans Marino Faliero. Dieu merci, le rôle d’Helena m’a-t-il assez embêtée ! Tu m’as vue là dedans, n’est-ce pas ?
— Oui.
— J’étais bien mauvaise, hein ?
— Le fait est que tu n’étais pas bonne ; mais j’espère que tu seras meilleure dans Adèle ?
— Qu’est-ce que c’est que cela, Adèle ?
— C’est la maîtresse d’Antony, ma chère.
— Tu nous apportes donc Antony ?
— Mais oui !
— Et c’est moi qui jouerai Adèle, mon bon chien ?
— Parbleu !
— Fanfare alors !… Ma foi, tant pis, je vais t’embrasser… Oh ! que tu es bête ! quand je te dis que non !… Tiens ! qu’as-tu donc dans ta poche ?
— Le manuscrit.
— Oh ! donne, que je le regarde.
— Je vais te le lire.
— Comment, tu vas me le lire, à moi ?
— Sans doute.
— Comme cela, pour moi toute seule ?
— Certainement.
— Ah çà ! mais tu me prends donc pour une grande actrice ?