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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/188

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— De Vigny ne te traite que comme une duchesse ; moi, je veux te traiter comme une reine.

Elle se leva et me fit une révérence.

— La reine sera toujours votre servante, monsieur, et la preuve, c’est que je vais vous donner une table, et vous offrir… quoi ? Qu’aimes-tu mieux quand tu lis ? de l’eau-de-vie, du rhum ou du kirsch ?

— J’aime mieux de l’eau.

— Eh bien, attends.

Elle entra dans sa chambre à coucher, je l’y suivis.

— Ah ! bon ! voilà que tu viens ici, toi ?

— Pourquoi pas ?

— C’est défendu.

— Même pour moi ?

— Pour tout le monde… Alexandre ! je te donne ma parole que je vais sonner.

— Ah ! par exemple !

— Alexandre !…

— Je veux en avoir le cœur net. Je parie que tu ne sonnes pas, moi.

— Alexandre !…

Elle se pendit à la sonnette, et fit bruyamment résonner le timbre.

Je me jetai sur un fauteuil, et me mis à rire comme un fou.

La femme de chambre entra.

— Louise ! dit Dorval avec une parfaite dignité, un verre d’eau pour M. Dumas.

— Louise !… dans une cuvette, ajoutai-je.

— Insolent ! dit Dorval.

Elle se jeta sur moi et me battit de toute sa force.

Au moment où elle frappait avec le plus d’acharnement, on sonna du dehors.

Elle s’arrêta court.

— Ah ! dit-elle, viens vite dans le salon, mon bon chien, que l’on ne te voie pas ici.

— Si l’on ne me voyait pas du tout ?