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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/192

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Je relevai la tête pour l’embrasser.

— Oh ! que tu es ennuyeux ! dit-elle ; va donc, tu me laisses au milieu de mon plaisir.

Je me remis à lire, et elle se remit à pleurer.

À la fin de l’acte, on se le rappelle, Adèle s’enfuit.

— Ah ! dit Dorval en sanglotant, en voilà une femme honnête ! Moi, je ne m’en irais pas, va !

— Toi, lui dis-je, tu es un amour !

— Non, monsieur, je suis un ange ! Voyons le troisième ; ah ! mon Dieu, pourvu qu’il la rejoigne !

Je lus le troisième acte ; elle l’écouta toute frissonnante.

Le troisième acte se termine, on le sait, par la vitre cassée, par le mouchoir appliqué sur la bouche d’Adèle, par Adèle repoussée dans sa chambre ; après quoi, la toile tombe.

— Eh bien, me dit Dorval, maintenant ?

— Tu ne te doutes pas de ce que lui fait Antony ?

— Comment, il la viole ?

— Un peu ! seulement, elle ne sonne pas, elle.

— Ah !…

— Quoi ?

— Bon ! en voilà une fin de troisième acte ! Oh ! tu n’y vas pas de main morte, toi ! C’est égal, il est un peu joli à jouer, cet acte-là. Tu verras comme je dirai : « Mais elle ne ferme pas, cette porte ! » et : « Il n’est jamais arrivé d’accident dans cette auberge ? » Il n’y a que le cri, quand je l’apercevrai ; il me semble que cela doit faire tant de plaisir à Adèle de revoir Antony, qu’elle ne peut pas crier.

— Il faut pourtant qu’elle crie.

— Oui, je sais bien, c’est plus moral… Allons, va, va, mon bon chien !

J’entamai le quatrième acte.

— À la scène de l’insulte, elle me prit le cou entre ses deux mains : ce n’était plus seulement son sein qui s’élevait et s’abaissait, c’était son cœur qui battait contre mon épaule ; je le sentais bondir à travers ses vêtements. À la scène entre la vicomtesse et Adèle, scène dans laquelle Adèle répète trois fois : « Mais je ne lui ai rien fait, à cette femme ! » je m’arrêtai.