— Sacré nom d’un chien ! me dit-elle, pourquoi t’arrêtes-tu donc ?
— Je m’arrête, répondis-je, parce que tu m’étrangles.
— Tiens, c’est vrai, dit-elle ; mais c’est qu’aussi on n’a jamais fait de ces choses-là au théâtre. Ah ! c’est trop nature, c’est bête, ça étouffe, ah !…
— Il faut pourtant bien que tu écoutes jusqu’à la fin.
— Je ne demande pas mieux.
J’achevai de lire l’acte.
— Ah ! me dit-elle, tu peux être tranquille sur celui-là, j’en réponds. Ah ! je dirai drôlement cela : « C’est sa maîtresse ! » Ce n’est pas difficile à jouer, tes pièces ; seulement, ça vous broie le cœur… Oh ! la la, laisse-moi pleurer un peu, hein ?… Ah ! grand chien, va ! où as-tu donc appris les femmes, toi ? Tu les sais un peu bien par cœur !
— Voyons, lui dis-je, un peu de courage et finissons-en.
— Allons, va !
Je commençai le cinquième acte. À mon grand étonnement, quoiqu’elle pleurât beaucoup, il me parut lui faire moins d’effet que les autres.
— Eh donc ? lui demandai-je.
— Ah ! dit-elle, je trouve cela bien, moi ! très-bien !
— Ce n’est pas vrai, tu ne le trouves pas bien.
— Mais si.
— Mais non !
— Eh bien, veux-tu que je te dise franchement mon avis ?
— Oui.
— Je le trouve un peu mou, le dernier acte.
— Regarde, et vois ce que c’est que les goûts : mademoiselle Mars le trouvait trop dur, elle.
— Je parie qu’il n’était pas comme cela, d’abord ?
— Non, je dois te l’avouer.
— Et qu’elle te l’a fait changer ?
— D’un bout à l’autre !
— Allons donc !
— Mais ; si tu veux, je te le referai.
— Je crois bien, que je le veux !