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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/193

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Sacré nom d’un chien ! me dit-elle, pourquoi t’arrêtes-tu donc ?

— Je m’arrête, répondis-je, parce que tu m’étrangles.

— Tiens, c’est vrai, dit-elle ; mais c’est qu’aussi on n’a jamais fait de ces choses-là au théâtre. Ah ! c’est trop nature, c’est bête, ça étouffe, ah !…

— Il faut pourtant bien que tu écoutes jusqu’à la fin.

— Je ne demande pas mieux.

J’achevai de lire l’acte.

— Ah ! me dit-elle, tu peux être tranquille sur celui-là, j’en réponds. Ah ! je dirai drôlement cela : « C’est sa maîtresse ! » Ce n’est pas difficile à jouer, tes pièces ; seulement, ça vous broie le cœur… Oh ! la la, laisse-moi pleurer un peu, hein ?… Ah ! grand chien, va ! où as-tu donc appris les femmes, toi ? Tu les sais un peu bien par cœur !

— Voyons, lui dis-je, un peu de courage et finissons-en.

— Allons, va !

Je commençai le cinquième acte. À mon grand étonnement, quoiqu’elle pleurât beaucoup, il me parut lui faire moins d’effet que les autres.

— Eh donc ? lui demandai-je.

— Ah ! dit-elle, je trouve cela bien, moi ! très-bien !

— Ce n’est pas vrai, tu ne le trouves pas bien.

— Mais si.

— Mais non !

— Eh bien, veux-tu que je te dise franchement mon avis ?

— Oui.

— Je le trouve un peu mou, le dernier acte.

— Regarde, et vois ce que c’est que les goûts : mademoiselle Mars le trouvait trop dur, elle.

— Je parie qu’il n’était pas comme cela, d’abord ?

— Non, je dois te l’avouer.

— Et qu’elle te l’a fait changer ?

— D’un bout à l’autre !

— Allons donc !

— Mais ; si tu veux, je te le referai.

— Je crois bien, que je le veux !