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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/201

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

manda que vingt francs de retour. Il est vrai que je payai le sabre à part.

Le lendemain du jour où j’eus le costume complet, je fis, à huit heures du matin, mon entrée au Louvre, venant prendre ma part des manœuvres. Nous avions là vingt-quatre pièces de huit, et vingt mille coups à tirer.

Le gouverneur du Louvre se nommait Carrel, mais n’avait rien de commun avec Armand Carrel ; je ne crois même pas qu’il fût son parent.

L’artillerie était généralement républicaine : toutefois, la deuxième et la troisième batterie affichaient particulièrement cette opinion. La première et la quatrième étaient plus réactionnaires ; cependant elles comptaient bien une cinquantaine d’hommes qui, au moment du danger, se fussent réunis aux autres.

Comme mes opinions me rapprochaient de Bastide, de Guinard, de Cavaignac et de Thomas, c’est d’eux que je m’occuperai surtout ; quant aux capitaines Arnoux et Olivier, je les ai peu connus alors, et je n’ai point eu l’occasion de les revoir plus tard.

Qu’on me permette donc de dire quelques mots de ces hommes dont les noms se retrouvent, depuis 1830, dans presque toutes les conspirations. Ces noms sont devenus historiques ; il est bon, par conséquent, que les hommes qui les ont portés ou les portent encore soient envisagés sous leur véritable jour.

Commençons par Bastide, c’est-à-dire par celui qui a joué le rôle le plus considérable, ayant été ministre des affaires étrangères en 1848.

Bastide, à cette époque, était déjà un homme de trente ans, à la figure douce et ferme à la fois ; il avait le visage long et pâle, les cheveux noirs coupés court, la moustache noire et bien fournie, les yeux bleus, empreints habituellement d’une grande expression de mélancolie. Il était grand et maigre, admirablement adroit de ses mains, sous un air un peu gauche qui tenait à la longueur exagérée de son cou ; du reste, tirant avec une grande supériorité l’épée et le pistolet, le pistolet