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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/236

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

main de la proposition de M. de Tracy sur la peine de mort, la loi était adoptée la veille du procès des ministres.

Tout cela signifiait : « Morts, que réclamez-vous ? On fait des pensions à vos veuves, à vos pères, à vos mères, à vos sœurs !… Vivants, que vous faut-il de plus ? On vous nomme sous-officiers, sous-lieutenants, et l’on vous donne la croix ! Vous n’eussiez pas joui de ces avantages, si les ministres de Charles X n’eussent pas fait les ordonnances : glorifiez-les donc, au lieu de les accuser ! »

Mais les esprits n’étaient point à la glorification de Polignac et de ses complices : on battait des mains à la révolution belge ; on battait des mains à l’insurrection polonaise.

C’était sur le Luxembourg surtout que les yeux étaient fixés. Les ministres acquittés ou condamnés à toute autre peine que la peine de mort, la révolution de juillet était reniée, aux yeux de l’Europe, par le roi des barricades.

Mauguin, l’un des juges instructeurs, interrogé sur le châtiment que l’on devait infliger aux coupables avait répondu sans hésitation :

— La mort !

Aussi tous ces événements : violation de notre territoire par l’armée espagnole, mort de Benjamin Constant et refus de le laisser conduire au Panthéon, révolution belge et insurrection polonaise, étaient autant de vapeurs isolées venant grossir l’orage qui s’amoncelait au-dessus du Luxembourg.

Le 15 décembre, deux jours après le vote de la loi des récompenses nationales, deux jours avant sa promulgation au Moniteur, les débats s’ouvraient.

Le procès dura du 15 au 21.

Pendant ces six jours, nous ne quittâmes point notre uniforme.

Qu’attendions-nous ? Nous n’en savions rien. Plusieurs fois nous nous étions réunis, tantôt chez Cavaignac, tantôt chez Grouvelle, pour prendre un parti quelconque ; mais rien de sérieux n’avait été proposé, et il avait été convenu que le Louvre, c’est-à-dire l’endroit où étaient nos pièces et nos munitions, resterait le centre commun, que l’on recevrait l’in-