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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/237

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

spiration des circonstances, et que l’on agirait selon l’impulsion.

J’ai déjà eu l’occasion de nommer Grouvelle. Arrêtons-nous un instant sur lui et sur sa sœur : c’étaient deux figures admirables, deux cœurs dévoués comme des cœurs spartiates ou romains à la cause de la république.

Nous les retrouverons toujours et dans tout, jusqu’à ce que Grouvelle disparaisse de la scène politique, en même temps que sa sœur mourra folle à l’hospice de Montpellier.

Tous deux étaient fils et fille de Grouvelle, qui avait fait la première édition collective des Lettres de madame de Sévigné, de celui-là même qui, en qualité de secrétaire de la Convention, avait lu à Louis XVI la sentence de mort que lui apportait Garat.

Grouvelle avait, à l’époque où je l’ai connu, trente-deux ou trente-trois ans ; sa sœur, vingt-cinq.

Lui n’avait rien de remarquable physiquement : mise très-simple, figure douce, des cheveux rares et blonds sur un crâne cerclé d’un bandeau noir cachant, sans doute, les traces du trépan.

Elle aussi était blonde avec les plus beaux cheveux du monde ; des yeux bleus abrités sous des cils albinos donnaient une suprême expression de douceur à sa physionomie, qui, cependant, prenait une grande fermeté lorsque, des lignes supérieures, on descendait aux lignes de la bouche et du menton.

Elle avait son portrait chez elle, un charmant portrait, œuvre de madame Mérimée, la femme du peintre qui a fait le beau tableau de l’innocence et le Serpent, la mère de Prosper Mérimée, l’auteur du Vase étrusque, de Colomba, de la Vénus d’Île et de vingt romans qui ont tous une valeur de premier ordre.

La mère de Laure Grouvelle était une Darcet, sœur, je crois, de Darcet le chimiste, qui avait inventé la fameuse plaisanterie de la gélatine ; par conséquent, elle était cousine du pauvre Darcet qui est mort si malheureusement, brûlé par une essence nouvelle qu’il essayait de substituer à l’huile de sa lampe ; cousin aussi de la belle madame Pradier, qui n’é-