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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/24

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

D’ailleurs, Lothon avait laissé tout le poids de la conversation à Charras ; couché sur une espèce de canapé, au bout de cinq minutes, il s’était endormi.

Au milieu de l’entretien de Charras et du chef d’escadron, un officier entra.

— Camarade, dit-il en s’adressant à Charras, je viens de la part du colonel, à qui vous n’avez pas voulu donner votre parole… Ma consigne est de ne point vous perdre de vue ; mais, comme je ne suis pas un gendarme, ma foi !…

Il détacha son sabre, et, le jetant sur un fauteuil :

— Vous ferez ce que vous voudrez !

— Monsieur, dit Charras, notre intention n’est pas le moins du monde de quitter la Fère, et la preuve, tenez…

Il montra à l’officier Lothon, qui dormait à poings fermés.

Au bout d’une heure, le colonel rentra. Il paraissait fort agité, surtout fort irrésolu.

Tout à coup, s’arrêtant devant Charras :

— Je parie que vous avez faim ? dit-il.

Charras haussa les épaules.

— Quelle singulière question me faites-vous là ?

— Ah ! dit le colonel, c’est qu’il ne faut laisser personne mourir de faim, pas même ses prisonniers.

— Oui, mieux vaut les engraisser pour les fusiller après, n’est-ce pas ? dit Charras.

— Qui parle de vous fusilier ?… Voyons, cria le colonel en ouvrant la porte, le déjeuner…

On apporta, comme au théâtre, une table toute servie. Le colonel dérogeait à ses habitudes, et déjeunait dans son salon, au lieu de déjeuner dans la salle à manger ; ou plutôt il ne déjeunait pas, il faisait déjeuner, car lui ne se mit point à table.

Charras réveilla Lothon.

Lothon était de fort mauvaise humeur d’être réveillé, d’autant plus qu’il ignorait pourquoi on le réveillait.

Lorsqu’il sut que c’était pour déjeuner, il s’adoucit.

On venait d’achever les côtelettes, quand la porte s’ouvrit