Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Lui voyait tout cela, et en riait, quand il n’en haussait pas les épaules.

Ce n’étaient point toutes ces caresses, toutes ces flatteries, toutes ces adulations qui le faisaient agir ; c’était sa conscience.

— Général, lui disais-je le 15 décembre, vous savez que vous jouez votre popularité à vouloir sauver la tête des ministres ?

— Mon enfant, me répondit-il, personne mieux que moi ne connaît le prix de la popularité : c’est le plus riche et le plus inestimable des trésors ; c’est le seul que j’aie jamais ambitionné ; mais, comme tous les autres trésors, quand le moment est venu, il faut le dépenser jusqu’au dernier sou, dans l’intérêt du bien public et de l’honneur national.

Certes, c’était, très-beau, ce que faisait là le général la Fayette, d’autant plus beau que ceux mêmes pour qui il se sacrifiait devaient attribuer à la faiblesse ce qui était le résultat du dévouement.

Le procès des ministres avait amené un effroyable encombrement dans les rues adjacentes au Luxembourg ; à peine les troupes et la garde nationale pouvaient-elles circuler au milieu de cette masse.

Troupes de ligne et garde nationale obéissaient à la Fayette ; tous pouvoirs lui étaient remis : il avait la police du Palais-Royal, du Luxembourg et de la chambre des pairs. Il avait nommé commandant en second du Luxembourg, avec charge de veiller sur la sûreté des pairs, le colonel Lavocat, qui, par ces mêmes pairs, avait été autrefois condamné à mort. S’il eût pu évoquer le fantôme de Ney, il l’eût mis en sentinelle à la porte du palais !

Le colonel Feisthamel commandait en premier.

Lavocat était un des plus anciens carbonari.

Tous les partis se retrouvaient dans cette foule qui assiégeait les portes du Luxembourg, excepté le parti orléaniste ; nous nous heurtions là, républicains, carlistes, napoléoniens, chacun attendant l’événement pour en tirer profit selon son intérêt, son opinion ou sa conscience.