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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/241

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Nous avions des billets pour les tribunes réservées. J’assistai à l’avant-dernière séance ; j’entendis le plaidoyer de M. de Martignac et celui de M. de Peyronnet ; je fus témoin du triomphe de M. Sauzet, et je vis M. Crémieux se trouver mal.

Juste en ce moment, le bruit du tambour pénétra jusque dans la chambre des pairs.

On battait le rappel avec une espèce de rage.

Je me précipitai hors de la salle. La séance était à peu près suspendue, moitié par l’accident arrivé à M. Crémieux, moitié par le formidable bruit qui venait faire frissonner les accusés sur leur banc, et les juges sur leurs fauteuils.

Mon uniforme d’artilleur m’ouvrit toutes les foules. Je parvins dans la cour ; elle était encombrée.

Un chariot de l’imprimerie royale était entré dans la principale cour, et, à sa suite, la multitude s’était précipitée grondante.

C’étaient ces grondements qui, mêlés aux sourds appels des tambours, pénétraient jusque dans la salle.

Il y eut alors, parmi MM. les pairs, un moment de terreur et de confusion inexprimables ; c’était inutilement que, de la porte, le colonel Lavocat criait :

— Ne craignez rien !… je réponds de tout… La garde nationale est et restera maîtresse de toutes les issues.

M. Pasquier n’entendait rien, et, de sa petite voix aigre et pointue, criait de son côté :

— Messieurs les pairs, la séance est levée… M. le commandant de la garde nationale me prévient qu’il ne serait pas prudent de tenir une séance de nuit.

C’était tout le contraire de ce que disait le colonel Lavocat ; mais, comme la plupart des pairs n’avaient pas moins peur que leur illustre président, ils se levèrent, sortirent précipitamment de la salle, et la séance fut remise au lendemain.

Em sortant, je heurtai un homme qui paraissait un des plus acharnés à l’émeute ; il criait avec un accent étranger, une bouche hideuse et des yeux torves :

— Mort aux ministres !

— Ah ! pardieu ! dis-je au rédacteur en chef du Moniteur,