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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/244

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MÉMOIRES D’ALEX DUMAS

Nous avions, comme on le comprend bien, pas mal de mouchards parmi nous, et je pourrais nommer deux hommes qui reçurent la croix de la Légion d’honneur pour avoir rempli dans nos rangs cet honorable office.

Une heure après la distribution, on était prévenu au Palais-Royal.

Un quart d’heure après qu’on y était prévenu, je recevais une lettre d’Oudard, qui me priait, si j’étais au Louvre, de passer à l’instant même à son bureau.

Je montrai la lettre à nos camarades en leur demandant ce qu’il fallait que je fisse.

— Parbleu ! vas-y, me répondit Cavaignac.

— Et, si l’on m’interroge ?…

— Dis la vérité… Si les bonapartistes veulent nous enlever nos pièces, nous brûlerons la dernière cartouche pour les défendre ; mais, si le peuple marche contre le Luxembourg, et même contre tout autre palais, nous marcherons avec lui.

— Cela me va parfaitement ; j’aime la franchise, moi !

Je me rendis au Palais-Royal.

Les bureaux étaient encombrés de monde ; on sentait le frémissement du centre allant jusqu’aux extrémités, et, à en juger par les extrémités, on devait être très-agité au centre.

Oudard m’interrogea ; ce n’était pas pour autre chose qu’il m’avait prié de venir.

Je répétai littéralement les paroles de Cavaignac.

Autant que je puis me le rappeler, cela se passait le 20 au soir.

Le 21, j’allai reprendre mon poste, rue de Tournon. amais la foule n’avait été si compacte : la rue de Tournon, la rue de Seine, la rue des Fossés-Monsieur-le-Prince, la rue Voltaire, la place de l’Odéon, la place Saint-Michel, la place de l’École-de-Médecine regorgeaient de gardes nationaux en armes et de troupes de ligne. On en était arrivé à persuader aux gardes nationaux qu’il y avait complot pour le pillage des boutiques ; que le peuple de juillet, arrêté par la nomination du duc d’Orléans à la lieutenance générale, avait juré de prendre sa revanche ; or, les bourgeois, toujours faciles à ces