Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
MÉMOIRES D’ALEX DUMAS

Pendant ce temps, voici ce qui se passait à l’intérieur.

On savait d’avance au Palais-Royal que la sentence portée serait celle de la réclusion perpétuelle.

M. de Montalivet, ministre de l’intérieur, avait reçu du roi la charge de faire conduire les ex-ministres sains et saufs à Vincennes.

Un coup de canon tiré au moment où ils passeraient le pont-levis du château devait annoncer au roi qu’ils étaient en sûreté.

M. de Montalivet avait choisi le général Fabvier et le colonel Lavocat pour partager avec lui ce dangereux honneur.

Au moment où il vit paraître les quatre ministres, qu’on faisait sortir de la salle, pour que la cour, selon sa coutume, prononçât son jugement hors de leur présence :

— Messieurs, dit-il au général Fabvier et au colonel Lavocat, attention ! nous allons faire de l’histoire ; tâchons qu’elle soit à l’honneur de la France !

Une calèche légère attendait les prisonniers au guichet du petit Luxembourg.

C’est alors que des hommes apostés par M. de Montalivet s’élancèrent par la grille d’honneur, criant, comme nous l’avons déjà dit :

— À mort !… condamnés à mort !

Les prisonniers purent entendre l’immense clameur triomphale qui accueillit cette fausse nouvelle.

Mais déjà la voiture, enveloppée de deux cents cavaliers, était partie, se dirigeant vers les boulevards extérieurs, avec la vitesse et le bruit d’un ouragan.

MM. de Montalivet et Lavocat galopaient chacun à une portière.

Les juges s’étaient réunis dans la galerie de Rubens pour délibérer.

De là, ils voyaient, aussi loin que leurs regards pouvaient s’étendre, briller les canons et les baïonnettes des fusils, et tourbillonner le peuple.

La nuit venait rapide ; mais les habitants de chaque maison avaient placé des lampions sur leurs fenêtres, et une im-