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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/252

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Faire une trouée dans le cordon qui nous enveloppait ne nous inquiétait pas : nous avions plus d’une fois rivalisé d’adresse et de promptitude avec les artilleurs de Vincennes.

D’ailleurs, aux premiers coups de canon qui retentiraient dans Paris, nous en étions bien sûrs, le peuple se rallierait à nous.

On venait donc nous proposer la partie que nous allions offrir.

De leur côté, les artilleurs qui ne partageaient pas notre opinion s’étaient retirés vers la façade du Louvre la plus rapprochée des Tuileries ; ils étaient cent cinquante, à peu près.

Par malheur, ou plutôt par bonheur, nous apprîmes tout à coup que les caves où nous déposions nos munitions étaient vides. Le gouverneur du Louvre, prévoyant les scènes que je viens de raconter, avait fait enlever ces munitions dans la journée.

Dès lors, nous n’avions plus, pour moyens d’attaque ou de défense, que nos mousquetons et six ou huit cartouches par homme.

Ces moyens de défense paraissaient, cependant, assez formidables encore pour qu’on se contentât, de nous cerner.

Nous passâmes la nuit, nous attendant, à chaque minute, à être attaqués. Ceux de nous qui dormirent, dormirent le mousqueton entre les jambes.

Le jour parut et nous trouva sous les armes.

La situation tournait peu à peu du tragique au comique : les boulangers, les marchands de vins et les charcutiers avaient à l’instant même établi leur petite spéculation, et nous avaient rassurés sur cette crainte que l’on voulait nous prendre par la famine.

Nous ressemblions assez à une ménagerie de bêtes féroces enfermées pour cause de sécurité publique. La ressemblance était d’autant plus frappante que l’on commençait à nous venir voir à travers les grilles.

Parmi ceux qui venaient nous voir, au reste, étaient quelques amis qui nous apportaient des nouvelles.

Le tambour battait dans tous les quartiers ; — quant à cela,