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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/271

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

M. Brézé vint à Paris, et rencontra Barthélemy, le poëte, au Palais-Royal.

La conversation s’engagea entre les deux compatriotes.

— Et que fait Rabbe ? demanda M. Brézé.

— Mais des résumés.

— Ah ! des résumés, répéta M. Brézé, des résumés… Vous dites que Rabbe fait des résumés ? Diable !

— Oui.

— Qu’est-ce que cela, des résumés ?

— C’est de l’histoire quintessenciée et renfermée dans de petits livres, au lieu d’être délayée dans de gros.

— Et combien Rabbe fait-il de résumés comme cela par an ?

— Mais un et demi, deux au plus.

— Cela rapporte combien, un résumé ?

— Douze cents francs, je crois.

— De sorte que, quand Rabbe a travaillé pendant toute son année, et qu’il a fait un résumé et demi, il a gagné dix-huit cents francs ?

— Dix-huit cents francs, mon Dieu, oui !

— Hum !

Et M. Brézé se mit à réfléchir.

Puis, tout à coup :

— Croyez-vous que Rabbe ait autant d’esprit que M. Scribe ? demanda-t-il.

La question était si inattendue et surtout si inopportune, que Barthélemy se prit à rire.

— Mais oui, dit-il ; seulement, c’est un esprit d’un autre genre.

— Oh ! cela ne fait rien !

— Pourquoi cela ne fait-il rien ?

— S’il a autant d’esprit que lui, c’est tout ce qu’il faut.

Et il se mit à réfléchir de nouveau ; puis, après un instant :

— Est-ce vrai, demanda-t-il à Barthélemy, que M. Scribe gagne cent mille francs par an ?

— On l’assure, répondit Barthélemy.

— Eh bien, dit M. Brézé, il faut que je donne un conseil à Rabbe, moi…