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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/279

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

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« Pensez, au matin, que vous n’irez peut-être pas jusqu’au soir ; pensez, au soir, que vous n’irez peut-être pas jusqu’au matin. »

Parfois aussi, un triste souvenir des beaux jours de la jeunesse, de ce bonheur qui ne reparaît jamais si grand et si amer qu’aux jours de l’infortune ; parfois ce souvenir vient arrêter le malheureux condamné dans ses aspirations vers la mort. Alors, son désespoir revient à la mélancolie, presque à l’espérance.

« Ils ont passé, les prestiges du bel âge ; tout est détruit ! Oh ! que d’amertume remplit mon âme ! Nature inexorable, fatalité, destin ou providence, rendez-moi la coupe de la vie et du bonheur ! Mes lèvres l’ont à peine effleurée, et voilà que vous l’enlevez à ma main tremblante. Donnez ! donnez ! une soif brûlante me dévore ; je me suis trompé ou vous m’avez trompé ; je ne me suis point abreuvé, ma soif ne s’est point tarie, car la liqueur s’est dissipée comme la flamme bleuâtre qui ne laisse après elle que l’odeur du soufre et du volcan. »

*

« Foudre du ciel ! pourquoi ne préfères-tu point frapper les têtes altières de ces chênes et de ces sapins dont la vigoureuse vieillesse a déjà bravé cent hivers ? Ils ont vécu, du moins ; ils se sont rassasiés des sucs de la terre ! »

*

« J’ai été abîmé dans ma force ; depuis neuf ans, je dispute sa proie au tombeau… Misérable, pourquoi la main de Dieu, qui me frappe, ne m’a-t-elle pas cent fois anéanti ? »

Puis l’âme du malheureux Rabbe, à force de douleurs, s’é