» Voilà tout ce qui peut m’intéresser encore de ce côté-ci du tombeau. Au delà de lui sont toutes mes espérances… si toutefois il y a lieu. »
Ainsi, pauvre Rabbe, après tant de philosophie passée au van comme un grain mûr, après tant de prières à Dieu, tant de dialogues avec ton âme, tant de paroles échangées avec la mort, ces suprêmes interlocuteurs ne t’ont rien appris, et ta dernière pensée est un doute !
Rabbe avait dit qu’il ne verrait pas l’année 1830 : il mourut dans la nuit du 31 décembre 1829.
Maintenant, comment mourut-il ? Ce sombre mystère resta enfermé dans le cœur des derniers amis qui l’assistèrent.
Seulement, un de ses amis me raconta que, dans la soirée qui précéda sa mort, ses souffrances étaient si intolérables, que le médecin ordonna qu’on appliquât au malade un emplâtre d’opium sur la poitrine.
Le lendemain, on chercha vainement l’emplâtre d’opium ; il fut impossible de le retrouver…
Le 17 septembre 1835, Victor Hugo lui adressait le magnifique adieu qui commence et finit par ces deux vers :
Hélas ! que fais-tu donc, ô Rabbe, ô mon ami,
Sévère historien dans la tombe endormi ?…
Si quelque chose du pauvre Rabbe survivait à lui-même, certes, ce quelque chose dut tressaillir de joie au fond de son tombeau !
Peu de rois, en effet, ont une pareille épitaphe.