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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/291

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À la vue de ce document officiel, il ne me fut plus permis de conserver aucun doute.

Je rentrai chez moi, je dépouillai mon enveloppe séditieuse, et, vêtu du costume de tout le monde, j’allai faire, à l’Odéon, ma répétition de Napoléon Bonaparte, dont la première représentation était affichée pour le lendemain.

Au sortir de cette répétition, je rencontrai trois ou quatre de mes camarades de l’artillerie qui me félicitèrent chaudement. Mon aventure avait déjà fait le tour de Paris ; les uns trouvaient la plaisanterie du plus mauvais goût, les autres trouvaient l’action héroïque. Ni les uns ni les autres ne voulaient la prendre pour ce qu’elle était, c’est-à-dire pour un acte d’ignorance.

Je dus plus tard à cette action d’être nommé membre du comité des récompenses nationales, du comité polonais, du comité des décorés de juillet, et d’être réélu comme lieutenant dans la nouvelle artillerie ; — honneurs qui me conduisirent tout naturellement à prendre ma part du 5 juin 1832, et à être obligé d’aller faire un tour de trois mois en Suisse et de deux mois en Italie.

En attendant, on jouait, comme je l’ai dit, Napoléon le lendemain, événement littéraire peu propre à me remettre bien dans les papiers politiques du roi.

Aussi le pauvre duc d’Orléans ne vint point me demander, cette fois, d’intercéder auprès de son père afin qu’il le laissât aller à l’Odéon.

Napoléon eut un succès, mais de pure circonstance : la valeur littéraire de l’ouvrage était nulle ou à peu près. Le rôle de l’espion seul était une création ; tout le reste avait été fait à coups de ciseaux.

Quelques sifflets protestèrent contre les applaudissements, et — chose rare chez un auteur — je fus presque de l’avis des sifflets.

Mais le moyen, avec Frédérick jouant le principal rôle, avec Lockroy et Stockleit jouant des rôles secondaires ; le moyen, avec cent mille francs de costumes et de décorations, avec l’incendie du Kremlin, la retraite de la Bérésina, et surtout