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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/296

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

M. Clausel de Montals répondit à la manière de Sylla :

Je puis parfois changer mes desseins… Mes décrets
Sont comme ceux du sort : ils ne changent jamais !

On supplia, on insista ; tout fut inutile !

D’où venait cette haine de M. de Montals à l’endroit du pauvre abbé Ledru ? Nous allons le dire, nous qui écrivons ces Mémoires pour fouiller le fond des choses, et pour mettre les petites causes en face des grands effets.

L’abbé Ledru avait souscrit pour les blessés de juillet ; l’abbé Ledru avait fait faire une quête en faveur des Polonais ; l’abbé Ledru avait habillé à ses frais le tambour de la garde nationale de sa commune ; l’abbé Ledru, en un mot, était un curé patriote, tandis que, au contraire, M. de Montals était, non-seulement grand partisan, mais même grand ami de Charles X, et, à ce qu’on assurait, un des instigateurs des ordonnances de juillet.

On comprend que, dès lors, le diocèse n’était point assez grand pour porter ensemble l’évêque et le curé.

Le plus petit devait succomber. M. de Montais tenait l’abbé Ledru sous sa sandale épiscopale, et il l’écrasait impitoyablement !

Les députés revinrent trouver leurs mandataires. — Comme il était enjoint au curé Ledru de quitter à l’instant le presbytère, un riche fermier du lieu lui offrit un appartement, et l’on ferma l’église.

Mais, l’église fermée, le besoin se fit sentir d’une religion quelconque.

Or, comme les paysans de Lèves ne tenaient pas beaucoup à la qualité de la religion, pourvu qu’ils en eussent une, ils s’informèrent à l’abbé Ledru s’il n’y avait pas, au nombre des religions en usage chez les différents peuples de la terre, une religion qui leur permît de se passer de M. Clausel de Montals.

L’abbé Ledru répondit qu’il y avait, entre autres, la religion de l’abbé Châtel, et demanda à ses paroissiens si la religion