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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/323

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NOTES

» Ce que je craignais, c’était, à soixante-quatorze ans, d’être obligé de mettre encore le nez à la fenêtre ; ce que, certes, je n’aurais pas manqué de faire, car mon besoin de repos n’aurait pu m’empêcher de rectifier les idées que vous avaient soufflées sur mon compte des gens que je ne devine pas, et qui ignorent, sans doute, qu’il y a plus de cinquante ans, si j’ai signé pour le consulat à vie, je n’ai pas signé pour l’Empire. Si la politique a pu, depuis, modifier un peu mes idées, elle n’a jamais eu le pouvoir de changer mes principes, ainsi que le prouvent mes petits vers.

» Ce que je n’ai pas voulu vous dire d’abord, parce que cette considération était de nature à vous toucher trop, je vais vous l’avouer aujourd’hui.

» J’ai conservé plusieurs relations parmi les gens arrivés ou restés au pouvoir ; ces relations me procurent l’avantage de rendre quelques services à ceux qu’oppriment la politique ou la misère. Bien qu’à Paris mes opinions soient mieux connues qu’à Bruxelles, ces puissances administratives se montrent accueillantes pour moi. Mais, si j’avais écrit quelques lignes qui eussent fait scandale, ces personnes n’eussent plus osé me rendre même mon salut ; du moins, je devrais le craindre.

» Laissez-moi mon métier de solliciteur, le seul qui puisse encore utiliser la fin de ma vie, autant que ma popularité le permettra ; car c’est un devoir pour moi que de prouver à ceux qui me l’ont faite que j’ai su apprécier les obligations qu’elle m’impose, même quand elle sera tout à fait disparue, ce qui, sans doute, ne peut tarder.

» D’après cette explication, vous concevez, enfant terrible, pourquoi, moi qui ne réponds jamais à ce qu’on écrit sur moi, j’ai dû me préoccuper des articles qu’on annonçait de vous.

» Adieu, mon cher Dumas. L’épicurien de la pension bourgeoise vous fait ses amitiés et vous souhaite tous les succès possibles, surtout aux Français.

» Tout à vous.
» Béranger.
» 4 septembre 53.

» J’ai eu une vive peur, il y a trois jours : on est venu m’annoncer la mort de Victor Hugo. Heureusement que Vacquerie, qui avait à m’envoyer les daguerréotypes de toute la famille et même de la maison, m’a écrit et donné des nouvelles qui sont excellentes. »

FIN DES NOTES