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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/38

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Chaque fois qu’Harel voulait me faire faire une pièce, le théâtre tout entier était à moi.

Mon fusil se trouvait lavé, frotté, séché au soleil ; je le pris ; nous montâmes en fiacre, et partîmes pour la place de l’Odéon.

Il y avait deux ou trois mille personnes sur la place et dans les environs.

À peine eus-je mis pied à terre, en laissant Delanoue dans le fiacre, que je fus entouré d’une quinzaine d’hommes m’appelant par mon nom, et m’invitant à me mettre à leur tête.

C’étaient les machinistes de l’Odéon, encore tout chauds des pourboires de Christine.

J’ordonnai à l’un d’eux d’aller chercher le drapeau, et, tandis que nous laissions le fiacre sous la garde des autres, à qui j’envoyai sept ou huit bouteilles de vin pour leur faire prendre patience, nous allâmes déjeuner chez Risbeck.

Lorsque nous sortîmes du restaurant, notre troupe s’était renforcée d’un tambour.

J’ai déjà fait remarquer avec quelle rapidité le tambour croît et se multiplie en temps de révolution.

Nous montâmes dans notre fiacre, dont nous prîmes naturellement les places d’honneur ; puis chacun s’entassa comme il put, les uns dans l’intérieur avec nous, les autres sur le siège avec le cocher, les autres derrière, ceux-ci-sur les brancards, ceux-là sur l’impériale.

Les malheureux chevaux se mirent en route, traînant dix-neuf personnes !

La plupart de mes hommes n’étaient armés que de piques.

Au coin de la rue du Bac et du quai, un homme qui semblait être là à poste fixe et dans ce seul but nous cria :

— Avez-vous des armes ?

— Non, répondirent la plupart de mes hommes.

— Eh bien, on en distribue au Palais-Royal.

— Au Palais-Royal ! au Palais-Royal ! crièrent mes hommes.

Le fiacre traversa la place du Carrousel, et s’achemina vers le Palais-Royal.

On commençait à pouvoir circuler en voiture ; peu à peu