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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/39

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

les barricades avaient disparu, et les pavés avaient, tant bien que mal, repris leur place.

Nous arrivâmes au Palais-Royal.

Un instant ! dis-je ; de l’ordre, s’il vous plaît ! Je suis connu ici, et, s’il y a moyen d’avoir quelque chose, je l’aurai.

Nous entrâmes dans une salle basse ; elle était encombrée.

En entrant, je heurtai un élève de l’École qui sortait.

— C’est vous, Charras ?

— Oui… Venez-vous pour avoir des armes ?

— Certainement.

— En ce cas, dépêchez-vous… Je n’ai pu obtenir qu’un pistolet.

En effet, il avait un pistolet fourré dans son habit, et dont la crosse seule passait entre deux boutons.

— Vous allez là-bas aussi ?

— Parbleu !

— Nous nous reverrons, alors ?

— Probablement.

— Bonjour !

— Adieu !

Nous pénétrâmes à grand’peine jusqu’au distributeur d’armes. Heureusement, un laquais à la livrée du duc d’Orléans me reconnut, et nous fit faire place.

— Monsieur de Rumigny, dit-il, c’est M. Dumas.

— Eh bien, qu’il vienne.

Le distributeur était M. de Rumigny lui-même. M. de Rumigny avait alors trente-cinq ans, à peu près ; il était magnifique sous son uniforme.

Il avait devant lui une grande caisse pleine de sabres et de pistolets ; les fusils avaient disparu. Tout cela venait de chez Lepage.

On donna des pistolets et des sabres à mes hommes ; puis, lorsqu’ils furent tous armés :

— Vos hommes ont-ils soif ? me demanda M. de Rumigny.

— Parbleu ! dis-je, ce sont les machinistes du théâtre de l’Odéon !

— Donnez-leur un verre de vin, alors.