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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/53

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Arrivée au haut de la montagne de Saint-Cyr, l’armée expéditionnaire commença à trouver la grande route jonchée de sabres, de fusils, de gibernes, de bonnets à poil.

Les soldats en retraite étaient tellement démoralisés, qu’ils jetaient leurs armes tout le long du chemin.

Cinq autres de mes hommes se trouvèrent armés, grâce à ces épaves du naufrage royal.

Nous arrivâmes à Cognières sur les sept heures du soir, harassés de fatigue et mourant de faim. ous avions bien, à Versailles, attrapé quelques bribes de pain et quelques verres de vin ; mais, comme disaient mes machinistes, il n’y en avait que pour les dents creuses.

En arrivant à Cognières, il y avait terriblement de dents creuses !

Les chevaux avaient trouvé leurs dix mille rations de foin et d’avoine, mais les hommes n’avaient rien trouvé du tout.

Et, cependant, Jacqueminot avait scrupuleusement rempli sa mission ; on lui avait promis qu’aussitôt le nouveau préfet arrivé, — et on l’attendait d’un moment à l’autre, — le pain serait expédié.

Chacun, comme le lion de l’Écriture, se mit à chercher quem devoret.

J’avais établi notre camp autour d’une grande meule de paille placée à droite de la route. Notre drapeau, planté au haut de la meule par un des machinistes, devait nous servir de point de ralliement.

J’avais été fort malheureux dans ma recherche, quand, par bonheur, j’avisai la maison du curé.

J’y entrai, et j’exposai au brave homme mes besoins et ceux de ma troupe.

Il me donna un assez joli morceau de pain qui pouvait peser trois ou quatre livres, et, comme il n’y avait plus de bouteilles dans la maison, du vin plein une telle à mettre du lait.

Pendant que je faisais mon expédition, on s’occupait de deux choses : on plaçait trente paysans de Cognières, armés avec les sabres et les fusils ramassés sur la route, comme