Charras tirade sa poche un portefeuille et un crayon.
— Un mot d’écrit, général, et ce sera fait dans une heure.
— Mais, monsieur…
— Au crayon, cela me suffira.
— Mais, monsieur…
— Allons, dit Charras, je vois que le préfet de Versailles ne sera pas encore fusillé cette nuit.
— Mais, monsieur, réfléchissez à ce que vous me demandez.
— Moi, général, je ne vous demande rien, que de me laisser passer.
— Laissez passer monsieur, dit le général Exelmans.
Et il se recoucha sous son prunier.
Charras continua son chemin.
Il arriva à la barrière de Versailles, se fit reconnaître, prit avec lui quatre gardes nationaux, et s’achemina vers la préfecture.
Il était une heure du matin ; tout le monde dormait.
Il fallut frapper un quart d’heure avant de tirer de la maison le moindre signe de vie. Charras et les gardes nationaux y allaient cependant de tout cœur, l’un avec la crosse de son pistolet, les autres avec la crosse de leurs fusils.
Enfin, une voix cria de la cour :
— Que voulez-vous ?
— Je veux parler au préfet.
— Comment, vous voulez parler au préfet ?
— Oui.
— À cette heure-ci ?
— Sans doute.
— Il est couché.
— Eh bien, je le ferai lever, alors… Allons, allons, ouvrons la porte, et plus vite que cela, ou je l’enfonce !
— Vous enfoncerez la porte de la préfecture ? s’écria le concierge stupéfait.
— Tiens ! dit Charras, la bonne blague !
Le concierge ouvrit, mal éveillé, mal peigné, mal habillé.
— Allons, dit Charras, conduis-moi chez le préfet.