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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Charras tirade sa poche un portefeuille et un crayon.

— Un mot d’écrit, général, et ce sera fait dans une heure.

— Mais, monsieur…

— Au crayon, cela me suffira.

— Mais, monsieur…

— Allons, dit Charras, je vois que le préfet de Versailles ne sera pas encore fusillé cette nuit.

— Mais, monsieur, réfléchissez à ce que vous me demandez.

— Moi, général, je ne vous demande rien, que de me laisser passer.

— Laissez passer monsieur, dit le général Exelmans. 

Et il se recoucha sous son prunier.

Charras continua son chemin.

Il arriva à la barrière de Versailles, se fit reconnaître, prit avec lui quatre gardes nationaux, et s’achemina vers la préfecture.

Il était une heure du matin ; tout le monde dormait.

Il fallut frapper un quart d’heure avant de tirer de la maison le moindre signe de vie. Charras et les gardes nationaux y allaient cependant de tout cœur, l’un avec la crosse de son pistolet, les autres avec la crosse de leurs fusils.

Enfin, une voix cria de la cour :

— Que voulez-vous ?

— Je veux parler au préfet.

— Comment, vous voulez parler au préfet ?

— Oui. 

— À cette heure-ci ?

— Sans doute.

— Il est couché.

— Eh bien, je le ferai lever, alors… Allons, allons, ouvrons la porte, et plus vite que cela, ou je l’enfonce !

— Vous enfoncerez la porte de la préfecture ? s’écria le concierge stupéfait.

— Tiens ! dit Charras, la bonne blague !

Le concierge ouvrit, mal éveillé, mal peigné, mal habillé.

— Allons, dit Charras, conduis-moi chez le préfet.