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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 7.djvu/78

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Mon premier mot à Léon Pillet, après m’être informé de sa santé, fut donc de lui demander dans quel corps il était officier, et quel était le charmant uniforme qu’il portait.

Léon Pillet n’était officier dans aucun corps, et l’uniforme qu’il portait était celui de simple garde national à cheval, qu’il venait d’inventer, à ce que je soupçonne, et dont il lançait le prospectus dans le public.

Le prospectus avait produit son effet, et j’y étais pris : je lui demandai l’adresse de son tailleur ; il me la donna.

Son tailleur était Chevreuil, un des meilleurs tailleurs de Paris, qui demeurait, à cette époque, place de la Bourse.

Je courus du même pas chez Chevreuil.

Il me prit mesure complète, se chargea de me fournir schako, épaulettes, sabre et ceinturon, et promit que le tout serait chez moi le 9 ou le 10.

Je revins par le pont des Arts. C’était la première fois que je passais devant l’Institut depuis le jour où j’y avais stationné ; sa façade était grêlée de balles et de boulets comme le visage d’un homme qui vient d’avoir la petite vérole.

En rentrant chez moi, je trouvai deux jeunes gens qui m’attendaient ; à la gravité de leur salut, je jugeai que leur visite avait un motif sérieux.

Ils se nommèrent : l’un était M. Lenoir-Morand, capitaine des sapeurs-pompiers à Veilly ; l’autre, M. Gilles, de Soissons. Je ne sais quel journal, le Courrier français, je crois, avait raconté mon expédition de Soissons d’une façon insultante pour la ville ; la susceptibilité des deux Soissonnais s’était émue, et ils venaient me demander des explications.

— Messieurs, leur dis-je, l’explication sera facile à donner.

Ils s’inclinèrent.

— Voici ce que je vous propose. Pour ne pas occuper le public de ma très-infime personnalité au milieu des événements importants qui sont en train de s’accomplir, je n’ai fait au général la Fayette, sur mon expédition de Soissons, qu’un rapport verbal ; je vais faire un rapport écrit, destiné à être mis dans le Moniteur ; si ce rapport contient l’exacte vérité, selon vous, vous le signerez. Il sera inséré dans le jour-