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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/100

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS


CXCVIII


Procès des artilleurs. — Le procureur général Miller. — Pescheux d’Herbinville. — Godefroy Cavaignac. — Acquittement des accusés. — Ovation qu’ils reçoivent. — Le commissionnaire Gourdin. — La croix de juillet. — Le ruban rouge et noir. — Dernières répétitions d’Antony.

Nous avons dit la difficulté qu’il y avait pour un avocat général d’accuser des hommes tout noirs encore de la poudre de juillet, comme l’étaient Trélat, Cavaignac, Guinard, Sambuc, Danton, Chamarre et leurs coaccusés.

Tous ces hommes, d’ailleurs, — à part le commissionnaire Gourdin, contre la moralité duquel, au reste, il n’y avait absolument rien à dire, — vivaient de leur fortune ou de leur talent, et étaient plutôt riches que pauvres.

On ne pouvait donc attaquer chez eux qu’une opinion dangereuse peut-être, au point de vue du gouvernement, mais, à coup sûr, désintéressée.

M. le procureur général Miller eut l’intelligence de comprendre la situation, et, au début de son réquisitoire, se tournant vers les prévenus :

— Nous gémissons plus que personne, dit-il, de voir traduits sur ces bancs des citoyens honorables, dont la vie privée paraît commander l’estime ; des jeunes gens riches de nobles pensées, d’inspirations généreuses. Ce n’est pas nous, messieurs, qui chercherons à récuser leurs titres à la considération publique ou à la bienveillance de leurs concitoyens, et les services qu’ils ont pu rendre à la patrie.

L’auditoire, visiblement alléché par ce préambule, fît entendre un murmure d’approbation qu’il eût certainement réprimé s’il eût eu la patience d’attendre la suite.

Le procureur général reprit :

— Mais les services que l’on a pu rendre à l’État donneraient-ils le droit de l’ébranler jusque dans ses fondements,