Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

à l’impiété, et autant que la vertu du prince s’efforce d’établir dans le cœur des sujets le culte du vrai Dieu par l’exemple de ses actions, autant l’humeur libertine de Molière tâche d’en ruiner la créance dans les esprits par la licence de ses ouvrages.
» Certes, il faut avouer que Molière lui-même est un Tartufe achevé, un véritable hypocrite ! Si le véritable but de la comédie est de corriger les hommes en les divertissant, le dessein de Molière est de les perdre en les faisant rire. De même que ces serpents dont les piqûres mortelles répandent une fausse joie sur la figure de ceux qui en sont atteints, organe du démon, il corrompt les mœurs ; il tourne en ridicule le paradis et l’enfer ; il décrie la religion, sous le nom d’hypocrisie ; il prend Dieu à partie, et se fait gloire de son impiété à la face de tout un peuple ! Après avoir répandu dans les âmes ces poisons funestes qui étouffent la pudeur et la honte, après avoir pris soin de former des coquettes, et de donner aux filles des instructions dangereuses, après des écoles fameuses d’impureté, il en a tenu d’autres pour le libertinage ; et, voyant qu’il choquait toute la religion, et que tous les gens de bien lui seraient contraires, il a composé son Tartufe, et a voulu rendre les dévots des ridicules et des hypocrites. Certes, c’est bien à Molière de parler de la religion, avec laquelle il a si peu de commerce, et qu’il n’a jamais connue ni par pratique ni par théorie !
» Son avarice ne contribue pas peu à échauffer sa verve contre la religion ; il sait que les choses défendues irritent le désir, et il sacrifie hautement à ses intérêts tous les devoirs de la piété ; c’est ce qui lui fait porter avec audace la main au sanctuaire, et il n’est point honteux de lasser tous les jours la patience d’une grande reine qui est continuellement en peine de faire réformer ou supprimer ses ouvrages.
» Auguste fit mourir un bouffon qui avait fait raillerie de Jupiter, et défendit aux femmes d’assister à ses comédies, plus modestes que celles de Molière. Théodose condamna aux bêtes des farceurs qui tournaient en dérision les cérémonies religieuses, et néanmoins cela n’approche pas de l’emporte-