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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/133

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ment de Molière. Il devrait, enfin, rentrer en lui-même, et considérer qu’il est très-dangereux de se jouer de Dieu ; que l’impiété ne demeure jamais impunie, et que, si elle échappe parfois aux feux de la terre, elle ne peut éviter ceux du ciel. Il ne doit point abuser de la bonté d’un grand prince, ni de la piété d’une reine si religieuse, à qui il est à charge, et dont il se fait gloire de choquer les sentiments. On sait qu’il se vante hautement qu’il fera paraître son Tartufe d’un façon ou d’autre, et que le déplaisir que cette grande reine en a témoigné n’a pu faire impression sur son esprit, ni mettre des bornes à son l’insolence. Mais, s’il lui restait encore quelque ombre de pudeur, ne lui serait-il pas fâcheux d’être en butte à tous les gens de bien, de passer pour un libertin dans l’esprit des prédicateurs, et d’entendre toutes les langues que le Saint-Esprit anime condamner publiquement son blasphème ? Et, enfin, je ne crois pas faire un jugement téméraire d’annoncer qu’il n’y a point d’homme, si peu éclairé des lumières de la foi, qui, sachant ce que contient cette pièce, puisse soutenir que Molière, dans le dessein de la jouer, soit digne de la participation des sacrements, qu’il puisse être reçu à pénitence sans une réparation publique, ni même qu’il soit digne de l’entrée des églises, après les anathèmes que les conciles ont fulminés contre les auteurs de spectacles impudiques et sacrilèges ! »

Ne trouvez-vous pas, cher lecteur, que ce libelle anonyme, adressé au roi Louis XIV pour empêcher Tartufe, ne ressemble pas mal au placet adressé au roi Charles X pour empêcher de jouer Henri III ?

Seulement, l’auteur ou les auteurs de ce libelle du xviie siècle avaient eu la pudeur de garder l’anonyme, tandis que les illustres académiciens du xixe avaient hardiment signé : Viennet, Lemercier, Arnault, Étienne, Jay, Jouy et Onésime Leroy. — M. Onésime Leroy n’était pas de l’Académie, mais il espérait bien en être ! Pourquoi n’en-est-il pas ? Je défie qu’on réponde à cette question.

Ces injures étaient contemporaines du moins, et cela se com-