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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/153

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Vous reviendrez sur votre détermination.

— Moi ? Je ne reviendrai même plus dans votre ministère !

Et je sortis tout boudant et tout grondant ; ce que je n’eusse certes pas fait, si j’avais su qu’avant deux ans, le même Thiers manquerait de parole à la Pologne, en laissant occuper Cracovie par les Autrichiens, les Prussiens et les Russes ; à l’Espagne, en refusant d’intervenir, et à la Suisse, en menaçant de la bloquer. Près de ces trois grands événements, qu’était-ce qu’un pauvre petit manque de parole à un auteur dramatique ?

Je courus chez Dorval, que le revirement ministériel frappait plus cruellement que moi. En effet, la défense de jouer Antony était faite au seul Théâtre-Français ; d’ailleurs, la réputation d’Antony était bien établie, et sa reprise ne pouvait en rien ajouter à la mienne. Il n’en était pas de même de Dorval : dans aucun rôle elle n’avait encore eu le succès qu’elle venait d’obtenir dans celui d’Adèle ; aucun de ses anciens rôles ne pouvait suppléer celui-là, et il n’y avait aucune probabilité qu’un rôle nouveau lui rendît là chance de succès que la suppression d’Antony venait de lui ôter.

Elle commença par écrire au Constitutionnel la lettre suivante :

« Monsieur.

» Lorsque je suis entrée aux Français, ce fut à la condition expresse que je débuterais par Antony. Cette condition fut portée sur mon engagement comme base du traité que je contractais avec l’administration du théâtre Richelieu.

» Aujourd’hui, le ministère juge que la pièce, reçue au Théâtre-Français en 1830, censurée sous les Bourbons, jouée cent fois à la Porte-Saint-Martin ; trente fois à l’Odéon ; une fois aux Italiens, ne peut être représentée par les comédiens du roi. Un procès entre l’auteur et M. Thiers jugera cette question de droit.

» Mais, jusqu’à l’issue de ce procès, je me vois forcée de cesser de paraître dans toute autre pièce.

» Je m’empresse, en même temps, de déclarer qu’il n’y a