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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/152

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

de sucer la plume de M. Jay, et de ne pas avoir la colique.

— Eh bien, de mauvaise encre, si vous voulez… Mais c’est la Chambre !

— Comment, la Chambre ?

— Eh ! oui, j’ai eu toute la Chambre contre moi ! Si Antony avait été joué ce soir, le budget ne passait pas.

— Le budget ne passait pas ?

— Non… Imaginez-vous que ces gens-là… Jay, Étienne, Viennet, que sais-je, moi ?… disposent d’une centaine de voix à la Chambre, cent voix qui votent comme un seul homme. J’ai été mis au pied du mur : « Antony, et pas de budget ! » ou bien : « Un budget, et pas d’Antony !… » Ah ! mon cher, restez auteur dramatique, allez, et gardez-vous de devenir jamais ministre !

— Ah çà ! mais vous croyez donc que cela va en rester là ?

— Non, je sais bien que je vous dois une indemnité ; fixez-la vous-même, et j’ordonnance la somme que vous exigerez !

— Allons donc, une indemnité ! Est-ce que je travaille pour toucher des indemnités, moi ?

— Non ; mais vous travaillez pour toucher des droits d’auteur.

— Quand on joue mes pièces, pas quand on les défend.

— Cependant, vous avez droit à un dédommagement.

— Le tribunal le fixera.

— Croyez-moi, ne recourez pas aux tribunaux.

— Pourquoi ?

— Mais parce qu’il vous arrivera ce qui est arrivé à Hugo, à propos du Roi s’amuse : le tribunal se déclarera incompétent.

— Le ministre n’était pas intervenu au traité du Roi s’amuse ; mais vous êtes intervenu au traité d’Antony.

— Indirectement.

— C’est ce que le tribunal appréciera.

— Cela ne vous empêchera pas de nous faire une pièce nouvelle.

— Bon ! pour qu’on vous refuse le budget de 1835 ? Merci.