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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/165

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

À une des séances auxquelles j’assistais dans le comité dont j’étais membre, un aide de camp du roi — M. de Rumigny, autant que je puis me le rappeler, mais je ne l’affirme point, — se présenta, demandant, au nom du roi et pour le roi, la décoration des trois jours, qui avait été votée d’enthousiasme à la Fayette, à Laffitte, à Dupont (de l’Eure) et à Béranger.

Cette démarche nous avait surpris, mais non pas intimidés ; nous étions entrés en délibération, et nous avions décidé, à l’unanimité, que la décoration étant spécialement réservée aux combattants de nos trois jours, ou aux citoyens qui, sans combattre, avaient, pendant ces trois jours, pris une part active à la révolution, le roi, qui n’était entré dans Paris que le 30 au soir, n’avait aucun droit ni à la décoration ni à la médaille.

Cette décision avait été immédiatement transmise au messager, qui l’avait transmise toute chaude à son auguste commettant. Or, nous ne doutions pas que notre refus n’eût été la< cause de l’ordonnance du 30 avril.

Je crois avoir dit encore qu’une protestation avait été rédigée par nous contre la couleur du ruban, la légende et le serment.

La surveille d notre repas aux Vendanges de Bourgogne, une assemblée générale avait eu lieu dans la salle de la Grande-Chaumière, située au passage du Saumon.

Le nombre total des décorés montait à quinze cent vingt-huit. Quatre cents appartenaient aux départements, le reste à Paris.

Convoqués à domicile, tous les décorés furent exacts à l’appel ; nous nous trouvâmes réunis au nombre de mille, à peu près.

On procéda à la formation d’un bureau.

Le président fut élu par acclamation. C’était un ancien vainqueur de la Bastille, âgé de soixante et dix à soixante et quinze ans, et qui portait, auprès de la décoration du 14 juillet 1789, la croix du 29 juillet 1830.

M. de Talleyrand avait bien raison de dire que rien n’est plus dangereux que l’enthousiasme ; nous sûmes, depuis, que