— Comment cela ?
— En ce que vous aurez volé une brave femme, donc ! car je suis une brave femme, moi.
— Je commence à le croire, mère Oseraie ; mais, moi aussi, vous le verrez, je suis un bon garçon.
— Eh bien, franchement, ça me fait cet effet-là… Dînerez-vous ?
— Je crois bien ! plutôt deux fois qu’une.
— Alors, montez chez vous, et laissez-moi à mes affaires.
— Mais que nous donnerez-vous à dîner ?
— Ah ! ça me regarde !
— Comment, cela, vous regarde ?
— Oui… Si vous n’êtes pas content, vous irez ailleurs.
— Mais vous êtes toute seule !
— Ça veut dire qu’il faut que vous en passiez par où je veux, mon bel ami… Allons, à votre chambre !
Je commençais à me faire aux manières de la mère Oseraie : c’était ce que l’on appelle, dans la Morale en action et dans les recueils d’anecdotes, « la franchise villageoise. »
J’eusse autant aimé « l’urbanité parisienne ; » mais la mère Oseraie était faite ainsi, et force m’était bien de la prendre comme elle était faite.
Je montai à ma chambre : c’était un quadrilatère passé à la chaux, avec un parquet de sapin, une table de noyer, un lit de bois peint en rouge, et une cheminée ayant un miroir à barbe au lieu de glace, et, pour garniture, deux pots de verre façonnés en corne d’abondance ; plus, le bouquet d’oranger de la mère Oseraie, âgé de vingt ans, et frais comme le premier jour, grâce à la cloche qui le défendait du contact de l’air. Des rideaux de calicot à la fenêtre, des draps de toile au lit, — draps et rideaux blancs comme la neige, complétaient l’ameublement.
Je passai dans la chambre à côté ; elle était meublée sur le même modèle, et possédait, en outre, une commode à ventre bombé, avec incrustations de bois de différentes couleurs, qui sentait la du Barry d’une lieue, et qui, restaurée, redorée, rabibochée, aurait tenu sa place dans l’atelier d’un