Aller au contenu

Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le jury acquitta.

Quelque temps après, l’Avenir eut à soutenir un autre procès sur un plus grand théâtre, et dans une circonstance qu’il convient de rappeler.

MM. de Montatembert et Lacordaire s’étaient déclarés les champions de la liberté d’enseignement, comme de toutes les autres libertés religieuses et civiles. Des paroles, ils passèrent aux actes : tous deux ouvrirent conjointement une école primaire sur les bancs de laquelle vinrent s’asseoir quelques pauvres enfants. La police intervint. Sommés de se retirer, les professeurs résistèrent ; il fallut appréhender le corps du délit, c’est-à-dire les gamins qui garnissaient les tables d’étude. Il y avait à peine matière à un procès devant le tribunal correctionnel ; mais, sur ces entrefaites, quelques jours avant la promulgation de la loi qui supprimait l’hérédité de la pairie, le père de M. Charles de Montalembert, en bon père qu’il était, mourut.

L’affaire prit alors des proportions inattendues : Charles de Montalembert, pair de France par la grâce de la non-rétroactivité, n’était pas justiciable des tribunaux ordinaires ; le procès fut donc porté en cour des pairs, où il prit les dimensions d’un débat politique sur la liberté d’enseignement.

Lacordaire, dont la cause n’avait pu être disjointe de celle son complice, fut aussi traduit devant la cour suprême, et improvisa son plaidoyer. M. de Montalembert, au contraire, lut un discours où il attaquait l’université et surtout M. de Broglie.

« Ici, dit le Moniteur en rendant compte du procès, l’honorable pair de France prit son lorgnon, et examina le jeune orateur. »

Moins heureux devant la cour des pairs que devant le jury, qui les eût certainement acquittés, les deux rédacteurs de l’Avenir perdirent leur procès ; mais ils le gagnèrent devant le pays. Le comte de Montalembert dut à cette circonstance de se poser à côté de M. de Lamennais, dont il partageait et pro-