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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/18

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

le monde ? Nous citons les premières lignes consacrées au procès de l’Avenir dans l’Annuaire de Lesur :

« Jamais affluence aussi prodigieuse n’a encombré l’enceinte de la cour d’assises, et jamais surtout un procès politique n’a amené un si grand nombre de dames. Au moment où la cour a voulu ouvrir son audience, les jurés, les prévenus, le barreau, le parquet lui-même, se trouvaient assiégés par une multitude de personnes qui ne pouvaient parvenir à s’asseoir. M. l’abbé de Lamennais, M. Lacordaire, rédacteurs de l’Avenir, et M. Waille, gérant responsable du même journal, sont placés sur des chaises au milieu du parquet ; les deux premiers sont vêtus de redingotes par-dessus leur costume ecclésiastique ; M. Waille est en uniforme de garde national. »

C’était un des premiers procès de presse depuis juillet. Le réquisitoire du procureur du roi était fort timide, et s’excusait de venir, après une révolution faite en faveur de la presse, réclamer contre cette même presse les rigueurs de la loi.

Mais aussi l’Avenir avait par trop dépassé les limites de la bienséance.

Nous citerons la phrase incriminée :

« Montrons que nous sommes Français en défendant avec constance ce que nul ne peut nous ravir sans violer la loi du pays. Disons aux souverains : « Nous vous obéirons tant que vous obéirez vous-mêmes à cette loi qui vous a faits ce que vous êtes, et hors de laquelle vous n’êtes rien ! »

Cela était écrit par M. de Lamennais ; — nous avons oublié, sinon la cause, du moins la phrase qui amenait l’abbé Lacordaire sur le banc des prévenus.

M. de Lamennais était défendu par Janvier, qui a joué depuis un rôle politique.

Quant à Lacordaire, il se défendait lui-même.

Le discours de Lacordaire produisit un grand effet, et révéla à la fois le tribun et le prédicateur.