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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/196

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

HERMIONE.

Je veux qu’à mon départ toute l’Épire pleure !
Mais, si vous me vengez, vengez-moi dans une heure.
Tous vos retardements sont pour moi des refus.
Courez au temple ! Il faut immoler…

ORESTE.

Qui ?

HERMIONE.

Pyrrhus !
— Pyrrhus, madame ?
— Hé quoi ! votre haine chancelle !
Ah ! courez, et craignez que je ne vous rappelle !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ne vous suffit-il pas que je l’ai condamné ?
Ne vous suffit-il pas que ma gloire offensée
Demande une victime à moi seule adressée ;
Qu’Hermione est le prix d’un tyran opprimé ;
Que je le hais ! enfin, seigneur, que je l’aimai ?
Malgré la juste horreur que son crime me donne,
Tant qu’il vivra, craignez que je ne lui pardonne !
Doutez jusqu’à sa mort d’un courroux incertain.
S’il ne meurt aujourd’hui, je peux l’aimer demain !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

— Mais, madame, songez…
— Ah ! c’en est trop, seigneur
Tant de raisonnements offensent ma colère.
J’ai voulu vous donner les moyens de me plaire,
Rendre Oreste content ; mais, enfin, je vois bien
Qu’il veut toujours se plaindre, et ne mériter rien.
Je m’en vais seule au temple où leur hymen s’apprête,
Où vous n’osez aller mériter ma conquête ;
Là, de mon ennemi je saurai m’approcher ;
Je percerai le cœur que je n’ai pu toucher,
Et mes sanglantes mains, sur moi-même tournées.
Aussitôt, malgré lui, joindront nos destinées ;
Et, tout ingrat qu’il est, il me sera plus doux
De mourir avec lui que de vivre avec vous !
— Non, je vous priverai de ce plaisir funeste,
Madame, il ne mourra que de la main d’Oreste !