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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/21

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

ces lyres vivantes que les grandes tristesses nationales font vibrer, et auxquelles le vent des calamités qui passe arrache des murmures sublimes.

Voici quatre réponses à la phrase optimiste de M. le ministre des affaires étrangères :

BARTHÉLEMY

Destinée à périr !… L’oracle avait raison !
Faut-il accuser Dieu, le sort, la trahison ?
Non, tout était prévu, l’oracle était lucide !…
Qu’il tombe sur nos fronts, le sceau du fratricide !
Noble sœur ! Varsovie ! elle est morte pour nous ;
Morte un fusil en main, sans fléchir les genoux ;
Morte en nous maudissant à son heure dernière ;
Morte en baignant de pleurs l’aigle de sa bannière,
Sans avoir entendu notre cri de pitié,
Sans un mot de la France, un adieu d’amitié !
Tout ce que l’univers, la planète des crimes,
Possédait de grandeur et de vertus sublimes ;
Tout ce qui fut géant dans notre siècle étroit
A disparu ! Tout dort dans le sépulcre froid !…
Cachons-nous ! cachons-nous ! nous sommes des infâmes !
Rasons nos poils, prenons la quenouille des femmes ;
Jetons bas nos fusils, nos guerriers oripeaux,
Nos plumets citadins, nos ceintures de peaux ;
Le courage à nos cœurs ne vient que par saccades…
Ne parlons plus de gloire et de nos barricades !
Que le teint de la honte embrase notre front !
Vous voulez voir venir les Russes : ils viendront !…

BARBIER
La Guerre.

Mère ! il était une ville fameuse ;
Avec le Hun j’ai franchi ses détours ;
J’ai démoli son enceinte fumeuse ;
Sous le boulet j’ai fait crouler ses tours !