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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 8.djvu/226

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Ah ! c’est curieux ! dit-il.

— Non, ce n’est pas curieux. Je trouve tout simplement Marion Delorme une des plus belles choses qu’il y ait au monde. J’ai eu le manuscrit à ma disposition : je l’ai lu et relu. Ces vers que je viens de vous dire sont restés dans ma mémoire, et je vous les donne comme preuve à l’appui de mon opinion.

— Et puis, continua mon critique, l’intrigue est prise au roman de de Vigny…

— Bon voilà que la chose commence pour Hugo ! Cette fois-ci, au moins, j’aurai été son saint Jean précurseur.

— Vous ne direz pas que Saverny et Didier ne soient pas copiés sur Cinq-Mars et de Thou ?

— Comme l’homme est copié sur l’homme, pardieu !

— Et Didier, c’est votre Antony.

— C’est-à-dire qu’Antony serait plutôt Didier, attendu que Marion Delorme était, faite un an avant que je songeasse à Antony.

— Ah bien, en voilà une bonne !

— Laquelle ?

— C’est que vous défendez Victor Hugo

— Pourquoi pas ? Je l’aime et je l’admire.

— Un confrère ! dit le critique du ton d’une profonde pitié, et en haussant les épaules.

— En voiture, messieurs ! crią le conducteur.

Nous remontâmes, mon rédacteur du Journal des Débats dans son intérieur, moi dans mon coupé, et la diligence reprit ce trot monotone si favorable aux méditations.

Je méditai.

D’où venait que le public n’avait pas été de mon avis sur Marion Delorme ? sur Marion Delorme qui m’avait fait dire à Taylor, le soir même de la lecture chez Devéria : « S’il y a chez Hugo le progrès dramatique qu’il y a dans les organisations dramatiques ordinaires, nous sommes tous flambés ! »

Le premier acte de Marion est, comme argument et comme style, un des plus adroits et des plus charmants qu’il y ait au théâtre. Tous les caractères y sont posés : celui de Marion,